Jean-Pierre Nadal

Dynamiques sociales urbaines : Schelling revisité

Résumé

Dans les années 70, le politologue et économiste Thomas Schelling observait que les comportements individuels, lorsqu'ils dépendent de ceux des autres, peuvent conduire à des phénomènes sociaux non nécessairement anticipés ni même souhaités. Précurseur de l'étude de phénomènes collectifs en sciences sociales, Thomas Schelling introduit des modèles simples qu'il étudie avec une démarche plus semblable à celle des physiciens qu'à celle des économistes. Dans les années récentes ces modèles ont été reconsidérés, et ceci par des chercheurs de diverses disciplines - des sociologues, des économistes, des informaticiens, des physiciens.

Cet exposé s'intéressera à la dynamique de ségrégation sociale en milieu urbain, en prenant comme point de départ le modèle de ségrégation de Schelling. Ce modèle est souvent considéré comme le paradigme de l'auto-organisation en sciences sociales : dans une population dont les membres acceptent parfaitement un voisinage socialement mélangé, mais ont tous une légère préférence pour un environnement social qui leur ressemble, la dynamique des déménagements conduit rapidement à une forte ségrégation sociale. On verra comment l'analyse de ce modèle et de variantes permet d'affiner l'intuition et de poser de nouvelles questions. La dernière partie de l'exposé abordera une modélisation cherchant à aller au-delà de ces modèles simples, en combinant aspects sociaux et économiques afin de permettre une confrontation avec des données empiriques.

Cette présentation sera aussi l'occasion de montrer comment, dans le cadre d'interactions pluridisciplinaires, des outils issus de la physique statistique, des mathématiques appliquées, et la simulation multi-agents, peuvent contribuer conjointement à l'étude de systèmes sociaux.