Les réponses aux questions des lycéens sur l'Eau

Olivier Sire (Université de Bretagne-Sud)









D’où vient l’oxygène ?

O. Sire : De la nucléosynthèse qui se produit au cœur des étoiles.

D’où vient l’hydrogène ?

O. Sire : L’hydrogène (H) est l’atome le plus simple et le plus abondant dans l’univers. Après le Big Bang, une fois la température suffisamment basse, il s’est formé par l’association d’un proton et d’un électron.

Quand l’eau est-elle apparue sur Terre ?

O. Sire : Plusieurs scénarios sont considérés. Aux origines de la Terre, l’activité électrique de l’atmosphère a provoqué de vastes précipitations : l’eau vapeur de l’atmosphère (piégée par la gravité) s’est condensée ce qui a provoqué des « déluges » à l’origine des océans actuels. Son origine pourrait être aussi liée aux apports des comètes. Récemment, la sonde Rosetta a mesuré le rapport isotopique hydrogène/deutérium présente dans la glace d’une comète. Ce n’est pas le même dans la comète visitée que sur Terre donc cela va à l’encontre de cette hypothèse. Une autre comète présentait un rapport plus proche. La question n’est donc pas tranchée.

Quel est le coût de l’eau potable à notre époque ? Il y a 50 ans ? Dans 50 ans ?

O. Sire : En France, environ 3 euros le m3 (1000 L) avec des écarts de 10 à 40% selon la Région et le distributeur. Ce prix inclue l’assainissement. Le prix a augmenté d’environ 30% en 20 ans (Wikipedia). Dans 50 ans ? Mystère car il y aura sans doute un nouvel équilibre entre la production et la consommation. Les moyens de réduire la consommation seront (devront) très certainement être optimisés.

Combien coûte le traitement des eaux usées ?

O. Sire : 50% ou presque du coût soit environ 1,50 euro par M3

Comment peut-on récupérer l‘eau dans les milieux désertiques ?

O. Sire : Dans la Cordillère des Andes, les paysans ont mis au point des filets à pluie qui récupère l’eau des brouillards qui condense au contact des mailles du filet et est récupérée par des gouttières. Dans les déserts secs et chauds, les plantes ont des systèmes d’accumulation efficaces ou bien limitent fortement les pertes (la feuille devient épine), les animaux adaptés produisent de l’eau "métabolique" qui provient de la digestion de graisses végétales présentes dans les graines dont ils se nourrissent. Les hommes creusent des puits pour atteindre la nappe phréatique, quand elle existe…

Peut-on créer de l’eau artificielle ?

O. Sire : Il n’y a pas d’eau « artificielle » : ½ O2 + 2H = H2O. Le moteur à hydrogène utilise comme combustible H2 (Hydrogène moléculaire) et O2 (oxygène moléculaire) obtenus par… Hydrolyse de l’eau. La réaction de recombinaison des deux gaz produit de l’énergie et de l’eau.

L’eau peut-elle être distribuée partout dans le monde et ainsi subvenir aux besoins de chaque être humain ?

O. Sire : En théorie oui. Le coût du transport peut être rédhibitoire. Certains ont voulu détourner des fleuves comme l’Ebre en Espagne pour alimenter Barcelone en eau. En Arabie Saoudite on monte des usines solaires pour désaliniser l’eau de mer. Ils avaient même imaginé de remorquer un morceau de banquise jusqu’en Mer rouge.

L’eau est-elle une ressource inépuisable ? Si non dans combien de temps aurons-nous une pénurie d’eau ?

O. Sire : En principe, le cycle de l’eau montre que la biosphère terrestre fonctionne en circuit fermé. Cependant ce qui est menacé c’est la quantité d’eau potable. On le voit lors des tremblements de terre, des cyclones, inondations et autres catastrophes naturelles.

Comment traitons-nous l’eau ? L’eau déjà utilisée est-elle récupérable ?

O. Sire : Il existe des traitements biologiques et physico-chimiques qui sont mis quotidiennement en œuvre dans les stations de traitement et d’épuration des eaux. Il y en a dans toutes les communes. Certaines grosses entreprises en possèdent une également. On élimine les matières en suspension souvent par digestion bactérienne ou par floculation (elles précipitent, forment des boues qui vont engraisser les pâtures et les champs), on utilise des rayons UV et du chlore pour stériliser. Les phases sont : traitement des eaux usées, relargage dans le milieu naturel (rivières, zones humides,…), pompage d’eaux de surface ou souterraines, purification.

Pourquoi l’eau est-elle utile à notre organisme ?

O. Sire : Notre corps est constitué à 75% d’eau qui est une molécule essentielle pour le fonctionnement de notre métabolisme. La vie des cellules est impossible sans eau : elle solubilise nos molécules, permet d’en construire de nouvelles, assure le transport (penser au sang et à la lymphe).

Est-ce que le prix de l’eau influe sur son utilisation ?

O. Sire : C’est à vous d’y répondre. Dans les salles de bain des hôtels en Angleterre, il y avait, il n’y a pas si longtemps, des boites à pièces de monnaie pour avoir une minute d’eau chaude pour la douche. Si vous preniez une douche longtemps, il fallait avoir de la monnaie sur soi !

Y-a-t-il de l’eau sur d’autres planètes ? Si oui, sous quelques formes ?

O. Sire : Oui.. Elle est souvent présente sous forme de glace ou encore sous forme de vapeur (concentrations très faibles).

Comment la détecte-t-on ?

O. Sire : Souvent détectée par des traces d’érosion ancienne au sol ou par des méthodes spectrales. L’eau absorbe la lumière dans l’infrarouge. On peut donc détecter sa présence à très grande distance.

En cas de catastrophe mondiale (pollution majeure de l’eau) avons-nous les moyens de recycler la totalité ou une grande partie de l’eau polluée et aurons-nous les mêmes quantités d’eau utilisable actuellement ?

O. Sire : Tout dépend du type de catastrophe et du type de pollution. Une pollution chimique pourrait être traitée (tout dépend de l’ampleur). Une pollution par radioactivité est quasiment impossible à traiter. Compte tenu du cycle de l’eau, ce dernier type de pollution pourrait gagner la totalité de la biosphère (transport par le vent par ex.)

D’où vient l’eau, comment se forme-t-elle et que contient-elle, à part sur Terre peut-on trouver de l’eau et comment la localiser ?

O. Sire :Voir plus haut les réponses aux questions

L’eau a-t-elle une durée de vie et si oui pourrait-on la remplacer par un aliment, un médicament ou un autre liquide créé par l’homme ?

O. Sire : VTrès bonne question. En fait UNE molécule d’eau a une durée de vie très courte car les atomes d’oxygène et d’hydrogène s’échangent très rapidement entre eux. D’une seconde à l’autre une molécule (si on pouvait la suivre) a changé plusieurs milliards de fois d’atomes (à température ambiante). Les propriétés de l’eau sont uniques et donc irremplaçables. Aucune autre molécule ne présente de pareilles propriétés. Il faudra faire avec ce qu’on a ou… disparaître.

Comment réduire nos dépenses d’eau dans divers domaines tels que l’agriculture ou l’industrie ?

O. Sire : En jouant sur la nature des procédés industriels, en mettant au point des techniques de recyclage, en sélectionnant des espèces végétales peu exigeantes en eau (le maïs est le mauvais élève de ce point de vue). D’une manière générale en recyclant l’eau au plus court. C’est ce qui se fait dans une station spatiale comme ISS. Toute l’eau est recyclée car il n’y pas de « robinet » dans l’espace à 350 km d’altitude.

Est-ce qu’un individu ou un pays peut s’approprier une source d’eau juste pour ses intérêts personnels ?

O. Sire : Un Etat oui en détournant des fleuves (Turquie) ou en construisant des barrages en amont (Chine, Turquie, USA,…) Les guerres de l’eau sont déjà commencées. Voir les conflits autour des grands projets de barrage dans le monde. Paris a acheté il y a longtemps la source de la Seine. A insi, personne n’a le droit de détourner ce fleuve : il passera toujours par la capitale.

Est-ce moral qu’un pays vole une source d’eau à une population ?

O. Sire : La réponse est dans la question. Le droit du plus fort ! Mais si l’on pousse un voisin au désespoir, on sait ce qui s’en suit.

Est-il juste de faire payer une ressource vitale telle que l’eau alors que nous ne payons pas l’air ?

O. Sire : Tout ce qui a un coût a un prix. On paye bien l’air « en boite » dans des locaux climatisés. Ensuite, il existe des systèmes sociaux plus ou moins adaptés pour soutenir les plus faibles, pas partout.

Comment empêcher la hausse du prix de l’eau ?

O. Sire : Par une meilleure gestion et l’amélioration des procédés de traitement. Notre laboratoire y travaille. En entretenant nos réseaux parfois un peu trop viellots…Comme beaucoup de matières premières, le prix (c’est différent du coût !) dépend du rapport entre l’offre et la demande.

Est-ce que tout le monde aura assez d’eau dans les années futures ?

O. Sire : Grande question ! Combien serons-nous ? Il est admis qu’il sera impossible de vivre dans 50 ans si la population mondiale consomme autant d’eau que NOUS européens aujourd’hui.

Comment peut-on minimiser l’utilisation de l’eau ?

O. Sire : Toutes les idées sont bonnes. Cela commence par la chasse d’eau réduite, par l’évolution de nos habitudes les plus simples. Le maintien stricte de l’hygiène corporelle ne nécessite pas de rester sous la douche 20 minutes. Nous collectons l’eau de pluie dans nos jardins,…

Comment chaque pays peut-il économiser de l’eau selon son climat ?

O. Sire : A regarder ce qui se passe, cette économie est inversement proportionnelle aux ressources locales. Le pragmatisme fait loi. Personne ne pense à économiser au Canada ou la ressource est pléthorique. Au Sahel il en va autrement.

Y-a-t-il des moyens de stocker l’eau plus massivement ?

O. Sire : Cela est difficile à cause des pollutions de toutes sortes qui peuvent se développer dans l’eau. Le stockage naturel dans les nappes phréatiques est le mieux sauf si la nappe vient au contact d’eaux usées… Autre difficulté : stocker l’eau près des lieux de forte consommation, donc lieux très peuplés, donc lieux très pollués.

Comment réduire l’énergie nécessaire à transporter l’eau ?

O. Sire : En ne la transportant pas ! Si on prend l’exemple du lait, on peut imaginer déshydrater le lait à la ferme, transporter la poudre de lait (économie de poids de 80%) et la réhydrater sur le lieu de consommation.

Peut-on encore réduire les matières utilisées dans le packaging des bouteilles d’eau ?

O. Sire : En utilisant des carafes en verre ou sinon en recyclant efficacement le plastique (cela commence à bien fonctionner en Europe). Mais le marketing joue beaucoup sur la petite bouteille élégante. Succombez-vous ?

Comment dessaler l’eau de mer à grande échelle ?

O. Sire : Il existe dans le Golfe Persique de grosses usines qui fonctionnent à l’énergie solaire et utilisent des membranes de filtration pour élimer les sels de la mer. On y trouve donc des terrains de golf superbement arrosés, des jets d’eau magnifiques et des piscines paradisiaques. Un jour, ces technologies serviront sans doute à survivre.

L’eau de pluie est-elle une ressource inépuisable ?

O. Sire : Oui en principe sauf que… par exemple la baisse de pluviosité aux USA a fait qu’aujourd’hui le fleuve Colorado s’évapore avant d’atteindre son estuaire. Le réchauffement climatique influe sur les zones arrosées. Le désert avance n’est pas qu’une chanson (France Gall) mais une réalité : ici trop d’eau, ici pas assez.

Pourquoi y-a-t-il des épisodes de météo extrême alors que l’on réchauffe notre planète ?

O. Sire : Le Terre est une machine thermique complexe. Elle tourne, la nature du sol influe sur l’énergie captée et restituée (si on rase une forêt, l’albedo change). Une moyenne qui se déplace ne veut pas dire que PARTOUT la température s’élève. Ce que l’on observe est plutôt des disparités grandissantes. Exemple : le pôle Nord fond tandis que la glace qui recouvre l’Antarctique (Pôle sud) s’étend. Personne ne comprend pourquoi. Sans doute, parmi votre génération, certains travailleront sur ce sujet et comprendront pourquoi. Nous, on ne sait pas !

Pourquoi la qualité de l’eau va-t-elle devenir un problème au cours des prochaines décennies ?

O. Sire : Pour faire simple : plus le confinement des humains est grand, plus les causes et ampleurs des pollutions sont grandes. Saura-t-on traiter et recycler au même rythme que nous polluons ?

Comment remédier à la montée des eaux, la fonte des glaces ?

O. Sire : Il existe deux causes : des fluctuations naturelles du climat (la dernière glaciation n’a pas été due à une vente massive de congélateurs) et les contributions anthropiques (liées aux activités humaines). Si effectivement nous avons mesuré un réchauffement, il est difficile de faire la part des choses. Ce qui est sûr par contre, c’est que nos activités sont fortement productrices de gaz à effet de serre. Mais pour autant, aucun gouvernement n’est prêt à mettre son économie par terre pour préserver l’avenir. Saurez-vous concilier économie et écologie qui ont la même racine ? La Nature ne se débrouille pas si mal de ce point de vue là.

L’eau est-elle une ressource durable ?

O. Sire : Voir les réponses plus haut.

Que peut faire la science face au manque d’eau dans le monde ?

O. Sire : Beaucoup. Toutefois, tant que les progrès technologiques ne sont pas étroitement associés à des changements de comportements, à des changements d’organisation, cela ne sert à rien.